L'ivresse du pouvoir
Toute ressemblance avec des faits réels serait purement fortuite... Ainsi commence le dernier Chabrol.
Au fond, on ne saurait lui reprocher la proximité du scénario avec l'affaire Elf. Rien ne ressemble plus à un scandale politico-financier qu'un... scandale politico-financier.
D'autant qu'en fait de critique, ce n'est pas la matière qui manque ! Et pour commencer, le coeur du film lui même. Que veut-on nous (dé)montrer ?
S'il s'agit de retracer le parcours d'un puissant tombé entre les mains de la justice, de filmer sa chute, l'objectif est manqué. "Monsieur le Président", comme se plaît à l'appeler "Madame le juge", est un homme bien simple et au carnet d'adresses étrangement dégarni. A croire qu'il se laisse volontairement prendre dans les filets qu'on lui a tendu, tant il met une évidente bonne volonté à tomber au plus bas de la solitude et de la dépression... Simpliste. Et je ne parle pas de ceux qui l'entourent: un avocat dépourvu de la moindre pugnacité, une épouse absente, des enfants fantômes et... d'anciens "amis" trop traîtres pour être vrais...
Mais peut-être voulait on nous parler de "Madame le juge"... Cet étrange personnage, très médiatique depuis peu... Voilà que l'on nous offre une Isabelle Huppert glaciale. Faite toute d'un bloc, embarquée dans une croisade des temps modernes, elle ne semble rien connaître du doute, des angoisses qui sont inhérentes à sa fonction, du moins quand elle est exercée par un être humain. Oh, certes, "Madame le juge" est bien prise de pitié pour son "client" opportunément atteint par une crise de psoriasis dans son bureau... Mais de là à parler d'humanité... Elle connaît la peur aussi, mais presque de façon animale.
Et ici encore, les "accessoires" du personnage laissent perplexes. Ce mari, dépressif au dernier degré, qui ne semble plus l'atteindre. Ce neveu, pour lequel elle paraît nourrir une affection trouble. Et, finalement, cette amitié qu'elle noue avec la collaboratrice qu'on lui impose... Une question vient: pourquoi ?
Finalement, on sort déçu de ce film qui veut tant dire, qui effleure tout mais ne montre pas grand chose...
On aurait sans doute préféré que Chabrol ne s'attache qu'à un camp - et nul n'ignore aujourd'hui combien il est difficile de filmer à charge et à décharge ! - pour en tirer un portrait contrasté. Au lieu de cela, ce sont deux esquisses manichéennes qui s'opposent sous nos yeux pendant une heure et demi...
Mais peut-être n'avez vous pas perçu la même chose ?