Colère de spécialiste
A
l'heure où les accusations fusent contre les plus élevés de nos
ministres, je me paie modestement le luxe d'une grosse colère contre un
Ministre délégué...
J'ai nommé Monsieur Gérard LARCHER, Ministre délégué aux relations de travail.
Précisons
à titre liminaire que cet homme - de charmante compagnie aux dires de
ceux qui l'ont approché - est vétérinaire de son état. Nul doute, par
conséquent, qu'il soit doué de quelques compétences.
D'ailleurs,
Monsieur LARCHER a fait la preuve de ses dons en matière de
communication, puisqu'il est à l'origine d'un grand projet destiné à
marquer de son sceau le centenaire du Ministère du travail.
Figurez
vous que notre Docteur Ministre délégué a eu la brillante idée, pour
fêter dignement l'évènement... d'opérer une recodification à droit
constant du Code du travail !
En un mot, il s'agit, sans
modifier une seule ligne des textes actuels de ce Code, de les
réagencer, de remanier leur positionnement au sein de l'ouvrage, bref,
d'en changer le numéro et l'emplacement.
Si je vous en parles
aujourd'hui, ce n'est pas que l'affaire vienne de sortir. Le
gouvernement a en effet été autorisé à procéder à cette recodification
par voie d'ordonnance par l'article 84 de la loi du 9 décembre 2004
dite "de simplification du droit" (dont on a déjà pu observer les
ravages...). Non, ce qui motive cette matinale colère, c'est tout
simplement que je viens, très incidemment, de découvrir à quoi allait
ressembler mon outil de travail quotidien.
Commençons par résumer, sommairement, l'intention affichée du Docteur LARCHER... Voici ce que le communiqué de presse nous apprend:
"Au fil des années, le code du travail est devenu un outil difficile d'accès et peu lisible alors qu'il est sans doute l'un des codes les plus utilisés au quotidien.
Depuis sa dernière révision en 1973, il a subi de nombreux ajouts, plusieurs de ses dispositions sont devenues obsolètes (telles le livret ouvrier des travailleurs à domicile de tissage ou prescriptions sur la coupe d'une pièce de velours en coton), tandis des éléments de nature jurisprudentielle ou législative essentiels n'y figurent toujours pas (tels la loi du 19 janvier 1978 sur la mensualisation).
Le ministre délégué aux relations du travail
a donc décidé d'engager une remise à plat du Code du Travail. Il s'agit
d'une réécriture à droit constant qui ne modifiera pas le contenu des
règles applicables."
Bel exemple de discours creux, vous ne trouvez pas ?
Je
dirais même contradictoire. Prétendre résoudre la difficulté liée à
l'obsolescence de certains textes sans rien changer à leur contenu,
cela relève, au choix, du miracle ou du mensonge...
Cela étant
dit, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent et... je ne me
sens pas concerné par celle-là. Ma véritable inquiétude est ailleurs.
Contrairement
à ce qu'écrivent les vénérables membres du service de presse du cabinet
vétérinaire, le Code du travail est un outil que seule une poignée de
spécialistes ouvre quotidiennement. Or, ces spécialistes ont pris
l'habitude de se repérer dans cet ouvrage, de le manier. Cette maîtrise
de l'outil est un gage de qualité de la prestation qu'ils délivrent.
En
modifiant l'agencement des textes et leur numérotation, c'est une perte
de temps considérable que l'on va engendrer (l'article L 122-12 futur
1348-7 alinéa 8 promet de belles parties de cache-cache...). C'est
également toute une logique inhérente au rapprochement de certains
textes au sein d'un même chapitre ou d'une même section qui risque de
se trouver compromise.
Bref, les inconvénients pratiques seront
légion, à n'en pas douter. Au passage, signalons que cette plaisanterie
a un coût (cinq "experts" convoqués régulièrement et chargés d'étudier
la chose, gageons qu'ils ne travaillent pas pour la gloire...).
Cherchons maintenant les avantages...
...
...
Et bien si vous avez une idée, je suis preneur.
Pour
conclure, je crois vous avoir signalé un jour que les commissions en
tous genre créées pour des besoins imaginaires avaient un coût annuel
proche du déficit de la Sécurité Sociale.
Et si la politique de demain consistait à commencer par les supprimer ?