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Don Quichotte
22 mai 2006

Des nouvelles du monde civilisé...

Récemment, Niko m'informait, ainsi que certain d'entre vous, de l'exécution de Nazanin Mahabad Fatehi, jeune femme Iranienne âgée de 18 ans, condamnée à mort pour avoir tué l'homme qui tentait de la violer.

Il y a un an, ce sont, toujours en Iran, deux jeunes garçons de 16 et 18 ans qui étaient pendus pour avoir été convaincus d'homosexualité.

Je vous parle de l'Iran, mais je pourrais vous parler de la Chine où l'on exécute pour vol avec récidive ou bien encore non respect de la quarantaine mise en place à l'occasion de l'épidémie de SRAS. En Inde, il fut question de condamner à mort pour contrefaçon de médicaments. Aux Etats-Unis, 38 des 50 Etats maintiennent la peine de mort en vigueur dans leur arsenal répressif.

J'en passe... Vous pouvez aller jeter un oeuil ici pour de plus amples informations.

Et la France, dans tout ça ?

La peine de mort y a été abolie en 1981, en grande partie grâce aux efforts de Monsieur Robert Badinter, Professeur agrégé des Facultés de droit, Avocat, ancien Garde des sceaux abolitionniste convaincu. Je ne saurais trop vous conseiller la lecture de L'Exécution ainsi que de l'Abolition, deux ouvrages à méditer.

Notre pays a ratifié un certain nombre de traités internationaux, dont une bonne partie dans le cadre de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Tel est le cas, notamment, du Protocole numéro 13 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, ratifié le 5 octobre 2004.

Il fut même question, récemment, d'introduire dans la constitution le principe de l'abolition de la peine de mort.

Le principe semble bien ancré, si l'on ne regarde que les textes, et pourtant Jean-Marie Le Pen réclamait son rétablissement hier encore (ici). Il n'est d'ailleurs pas seul à oeuvrer en ce sens et il m'est régulièrement donné d'entendre certains de mes concitoyens, aux convictions politiques pourtant modérées, tenir un discours qui se veut raisonnable et qui entend démontrer que dans certains cas, une telle mesure répressive se justifierait.

Je pourrais vous prendre par les sentiments, et ce ne serait pas blâmable, en tentant de vous dépeindre tout l'horreur d'une exécution. Ne vous méprenez pas, il n'est pas besoin d'aller en Iran assister à une lapidation pour avoir le coeur soulevé. L'électrocution, l'injection létale et, jusqu'à un passé récent la chambre à gaz (si, si !), qui ont été utilisé aux Etats-Unis n'ont rien d'un spectacle paisible.

Je pourrais le faire, mais je le ferais moins bien que Monsieur Badinter.

"Le matin qui suivit l'exécution de Buffet et Bontems à la maison d'arrêt de la Santé, le 28 novembre 1972, je pris le train pour Amiens. J'enseignais, à l'époque, à l'Université de Picardie. Je pensais que l'accomplissement de la tâche ordinaire, les rythmes et les rites de la vie quotidienne pourraient apaiser l'angoisse qui m'étreignait. Mais l'espoir d'échapper, même un moment, à ce qui était arrivé la nuit précédente était vain."


L'Abolition, Robert Badinter, 2000, Fayard, p. 11


De même, je pourrais vous parler de l'indicible angoisse du futur mort. Je le ferais moins bien que Victor Hugo qui a dépeint pour nous Le dernier jour d'un condamné.

Ce n'est donc pas sur ce terrain là que je vous entretiendrais de la peine de mort, même si c'est probablement la lecture de ces ouvrages qui a ancré en moi de façon viscérale un refus de ce dispositif qui est devenu pour moi une valeur primordiale.

Ce que je souhaiterais vous rappeler, c'est que quand bien même l'on admettrait le principe de la peine de mort, celle-ci s'avère inefficace en termes de lutte contre la criminalité et ne peut être mise en oeuvre dans des conditions acceptables au regard des droits de la défense et des droits de l'Homme.

Commençons par l'inefficacité de cette peine en tant qu'"exemple". A ce jour, il n'a jamais été mis en évidence que l'abolition de la peine de mort aurait conduit à une hausse des crimes dans l'Etat concerné. Il apparaît même, si l'on opère une comparaison Etats-Unis / Canada (le principe peut en être critiqué, les deux pays n'étant pas réellement comparables) que ce second Etat connaît un taux d'actes criminels moins fort.

Fait historique "amusant" qu'il faut également rappeler: c'est sur la place de grève les jours d'exécution publiques que les vols à la tire étaient les plus nombreux !

Au fond, le raisonnement le plus pertinent semble être celui-ci. La peine de mort, si on l'admet, ne peut qu'être réservée aux crimes de sang les plus graves. Or, ceux-ci sont le fait de personnes présentant des troubles psychiatriques ou psychologiques sévères qui constituent le moteur premier de leurs agissements. La plupart, si l'on en croit les criminologues, sont d'ailleurs habités par l'idée qu'ils ne peuvent être démasqués. Dès lors, le châtiment qu'ils encourent ne les arrête pas, soit qu'ils n'imaginent pas un instant être pris, soit que leur "folie", passagère ou structurelle, les prive de toute réflexion qui les dissuaderait de commettre leur crime.

En somme, et je suis assez convaincu du bien fondé de ce propos, il n'est pas possible de faire de la peine de mort un élément dissuasif au même titre que la menace d'une contravention vous dissuade de commettre un excès de vitesse.

Ensuite, il apparaît que Droits de l'Homme et droits de la défense sont, en matière de peine de mort, inconciliables. De ce point de vue, les Etats-Unis sont assez représentatifs. L'une des difficultés qu'y soulèvent les exécutions tient au délai - de l'ordre de 15 ans - entre la condamnation et l'exécution. Le résultat en est souvent que le condamné a d'une part enduré des années d'agonie mentale et d'autre part que la personne que l'on exécute a souvent eu le temps d'évoluer, parfois de s'amender et n'est plus celle que l'on a condamnée.

Alors, dirons certains, réduisons ce délai. Oui mais... Oui mais la certitude, en matière judiciaire, est une chose tellement rare que nombre d'acteurs ne l'ont jamais croisée ! L'ADN me direz-vous, les aveux, ajouterons certains, le flagrant délit surenchérirons d'autres... Et bien non. Rien de tout ceci ne met à l'abris d'une coïncidence terriblement fâcheuse, d'aveux extorqués et passés pour en finir, d'un flagrant délit qui ne dirait pas les circonstances atténuantes du coupable... Rien, à ce jour, ne permet de connaître avec une absolue certitude les circonstances d'un crime.

Fut-elle minime (et dans certains cas elle ne l'est pas), la part d'incertitude qui demeure commande de ne pas condamner à mort. Il faudrait, pour acquérir un degré raisonnable de certitude, attendre bien plus longtemps que l'on ne pourrait l'admettre, s'il s'avérait finalement que le condamné est innocent ou coupable de faits moins graves qu'on ne le supposait.

Alors, quid du terroriste passé aux aveux, se réclamant de sa "cause", pris en flagrant délit ou trahi par son ADN ?

Alors quid des condamnés à mort du procès de Nuremberg ?

Et bien j'assume jusqu'au bout la logique de mon propos. Quand bien même la marge d'erreur possible les concernant est extrêmement réduite, voire nulle dans le dernier cas, puisqu'il n'est pas possible d'appliquer la peine de mort à un ensemble de cas définis de façon générique sans risquer l'inhumanité ou l'erreur judiciaire, il faut y renoncer dans tous les cas, y compris ceux-ci.

Cela implique, j'en ai bien conscience, d'envisager la création de peines d'emprisonnement à vie sans possibilité de remise de peine. Ceci est un autre débat que je vous laisse libres d'ouvrir !

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Commentaires
D
Il y a certes un fossé entre la demande et l'obtention d'une telle remise de peine. Il faut quand même savoir que les statistiques (qui existent, je tâcherais de te les trouver) montrent que rares sont les peines effectuées jusqu'à leur terme.<br /> <br /> Quant au procès en révision (qui n'a rien à voir avec une remise de peine: on recommence tout à zéro), il faut en effet un arrêt de la Cour de cassation rendu au vu d'éléments donnant un nouvel éclairage à l'affaire. Il existe aussi une possibilité en cas de déni de justice manifeste (pas d'élément nouveau mais un arrêt d'appel manifestement partial).
F
Mais entre demander sa remise en liberté et l'obtenir, il y a un fossé ; d'ailleurs, existe-t-il des statistiques ? sûrement.<br /> D'autre part, des conditions doivent être equises pour en faire la demande. (style un fait nouveau dans un délit pour une ré-ouverture de procès)
D
@ Françoise > Oui, nous avons déjà évoqué le sujet et je sais que nos avis se rejoignent.<br /> <br /> Pour répondre à ta question, non ce type de peine n'existe pas en droit français (les américains l'ont institué). Le maximum est de trente ans avec une période de sureté (sans remise de peine) qui (de mémoire) est de la même durée. Donc, en pratique, tout criminel est assuré de pouvoir demander sa remise en liberté passé ce délai.
F
Point de vue - j'en avais d'ailleurs parlé - Nous sommes plus durs en instituant la perpet qu'avec la peine de mort.UN TRUC QUE JE NE COMPRENDS PAS :<br /> "...d'envisager la création de peines d'emprisonnement à vie sans possibilité de remise de peine...." - cela n'est pas prévu dans le code pénal ?
D
J'y ai songé en rédigeant ce post.<br /> <br /> Mais pour être honnête, la question du suicide est une question délicate pour moi. Elle me met terriblement mal à l'aise et cela biaise ma réflexion.<br /> <br /> Pour autant, je respecterais le choix d'un condamné qui préfererait se suicider que d'envisager de passer sa vie derrière des barreaux.
Don Quichotte
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