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Don Quichotte
31 mars 2006

Décision du Conseil Constitutionnel

Chose promise, chose due, voici un commentaire succinct de la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi pour l'égalité des chances et, plus précisément, son article 8 portant création du CPE.

Je vous rappelle que les principaux motifs invoqués à l'appui de la demande de déclaration d'inconstitutionnalité étaient exposés ici (vous trouverez la version intégrale pour la saisine des députés et pour celle des sénateurs).

Reprenons donc dans l'ordre.

1°) La procédure législative

Il fallait s'y attendre, le Conseil a considéré que pour sommaire qu'ait été la procédure, elle ne rendait pas le texte inconstitutionnel pour autant.

De fait, l'ensemble des "outils" utilisés par le gouvernement pour accélérer le vote de ce texte est prévu par la Constitution. Qu'ils aient (presque) tous été mis à profit ne change rien à la donne.

Une conclusion s'impose: les principaux responsables sont nos chers députés qui ont accepté d'adopter un texte dans ces conditions. Car ne l'oublions pas, ce sont eux, puis leurs aînés sénateurs, qui votent...

2°) Violation du principe d'égalité devant la loi

L'idée développée par les auteurs de la saisine était la suivante: deux jeunes de moins de 26 ans, à qualification égale, l'une recruté en CDI, l'autre en CPE, ne bénéficieraient pas des mêmes droits.

Ainsi que je vous l'indiquais, une telle discrimination pouvait être admise si le Conseil Constitutionnel l'estimait justifiée par un motif légitime. Et bien c'est très précisément ce qui s'est produit. Les neuf sages (dont un virtuel) ont estimé que "les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution".

Reste que ce fameux "motif d'intérêt général" justifiant cette différence de traitement est "la précarité de la situation des jeunes sur le marché du travail, et notamment des jeunes les moins qualifiés". Or, le CPE ne distingue pas selon la qualification du salarié que l'on envisage de recruter.

Si le Conseil Constitutionnel avait fait usage complètement de la notion de justification des discriminations - qui nous vient en grande partie du droit communautaire et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes - il aurait pu estimer qu'une discrimination était certes justifiée, mais que les moyens mis en oeuvre étaient disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi.

3°) Incompétence du législateur, manque de clarté et d'intelligibilité de la loi

Ce point a, pour l'essentiel, été balayé par le Conseil Constitutionnel sans que sa réponse présente un intérêt majeur.

Une précision a néanmoins été introduite dans la réponse, qui mérite qu'on la relève.

Le Conseil indique, à juste titre, que l'employeur qui, au cours des deux premières années d'un CPE, envisage de licencier son titulaire pour un motif disciplinaire, devra appliquer l'ensemble de la procédure disciplinaire prévue par le Code du travail (entretien préalable avec convocation, notification des motifs du licenciement, prescription de deux mois des faits fautifs, etc.,...).

Que cela n'entache pas la loi d'inconstitutionnalité, certes. Mais voilà qui souligne combien le CPE est une absurdité juridique. Quel employeur, alors qu'il peut se séparer d'un employé en période de consolidation sans invoquer de motif, aura la naïveté - pour ne pas dire la bêtise - de prendre le risque de suivre une procédure disciplinaire l'obligeant à faire état des motifs de sa décision ?

Tous ou presque courront donc dans le piège et utiliseront la procédure simplifiée. Les contentieux pleuvront et les Conseil de prud'hommes seront assez enclin à reconnaître des abus de droit (ce qui explique d'ailleurs cette circulaire).

le Conseil Constitutionnel est néanmoins lucide et indique que "l'éventualité d'un détournement de la loi lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité".

4°) Violation du droit à l'emploi et du droit au recours

Les auteurs de la saisine prétendaient qu'en dispensant l'employeur de motiver le licenciement au cours de la période de consolidation, il était porté atteinte au droit de ces mêmes salariés de bénéficier d'un emploi.

Le raisonnement était quelque peu artificiel. En substance, il s'agissait de démontrer que faute de pouvoir prouver les raisons pour lesquelles il avait été mis fin à son contrat, le salarié licencié risquait de se voir refuser tout nouveau poste (le recruteur étant méfiant et soupçonnant des fautes d'une gravité particulière).

Il fallait s'y attendre, le Conseil a rejeté l'argument.

5°) Violation du droit européen et communautaire, ensemble, violation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

L'essentiel des arguments qui était développés ici constituait plus ou moins une reprise de ce qui précède.

Le Conseil Constitutionnel nous donne toutefois, de façon incidente, une précision utile autant que surprenante.

La décision précise en effet "qu'il appartiendra à l'employeur, en cas de recours, d'indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge de vérifier qu'ils sont licites et de sanctionner un éventuel abus de droit".

Saluons cette louable intention des sages de la rue Montpensier qui entendent imposer à l'employeur de disposer d'un motif légitime de rupture du contrat pour licencier, quand bien même il est dispenser d'en faire état (mais quel intérêt cela a-t-il alors ?).

Je suis cependant dubitatif sur le plan juridique. Les règles de droit commun imposent en effet à celui qui invoque un abus de droit de le prouver, sauf indication contraires de la loi. Or, je n'ai rien vu de tel dans la loi pour l'égalité des chances.

En clair: le salarié qui s'estimera victime d'un licenciement abusif devra le prouver, n'en déplaise au Conseil Constitutionnel...


Pour conclure, cette décision ne me surprend pas outre mesure. La médiocrité n'est pas punissable puisque la Constitution n'a pas pris le soin de l'interdire...

Nous voici maintenant affublés d'un texte inique, cause de trouble à coup sûr et dont l'apport est à mon sens proche du néant...

Mais il nous aura au moins permis de réviser ou de découvrir le droit constitutionnel !

Allez, promis, le prochain post sera plus léger !

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Commentaires
D
... le prochain post quitte le territoire du CPE.<br /> <br /> Pour ce qui concerne les articles 21 & 22, en effet ils ont été censurés, mais ne présentent pas d'intérêt majeur.
F
de la loi pour l'égalité des chances sont déclarés CONTRAIRES à la Constitution.<br /> Nos sages ont tout de même trouvé quelque chose à redire ! <br /> On est rivé sur le CPE - mais il y a aussi les stages et les allocations fam. ...........et TOUT PLEIN DE CHOSES QUI SONT PASSES -<br /> <br /> IL NE FAUT PAS LES OUBLIER !
Don Quichotte
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