Délégation partielle d'autorité parentale
L’information sera très vite parvenue à mes oreilles, bien que je ne l’attendais pas spécialement : la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu aujourd’hui même (notez la célérité de votre serviteur), a admis le principe d’une délégation partielle d’autorité parentale entre des partenaires de même sexe, unis par un pacte civil de solidarité.
Pour les spécialistes (qui gagneront à se faire leur propre opinion), il s’agit d’un arrêt du 24 février 2006, n° 652, coté D si je ne m’abuse, et dont le numéro de pourvoi est 04-17.090.
Pour les autres, je vais essayer de vous éclairer autant que mes maigres compétences en droit de la famille me le permettent.
L’histoire est la suivante.
Madame X et Madame Y élèvent ensemble deux enfants – le fils et la fille biologiques de Madame X – et ce depuis de nombreuses années. Le père des enfants est inconnu.
Madame X décide un jour de
consentir à Madame Y une délégation partielle d’autorité parentale, comme l’y
autorise l’article 377 du Code civil : « Les père et mère,
ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le
juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité
parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance,
établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de
l'aide sociale à l'enfance. ».
Le raisonnement tenu par Madame X était franc et intelligent. Elle considérait que le risque qu’elle se trouve momentanément empêchée d’exprimer sa volonté (par la maladie, un accident, un déplacement prolongé à l’étranger pour motif professionnel,…) risquait de placer sa compagne dans l’impossibilité juridique de tenir le rôle parental qu’elle avait toujours joué auprès d’eux. En clair : si Madame X devait être empêchée, Madame Y n’aurait aucun droit alors qu’en fait, elle est l’un des deux parents.
Le Procureur général près la Cour d’Appel d’Angers ne l’entendait pas de cette oreille et a tenté de faire casser l’arrêt de la Cour qui avait jugée parfaitement admissible la démarche de Madame X.
La Cour de Cassation s’est montrée plus progressiste que le magistrat angevin… Elle a reconnu que la Cour d’Appel, au vu notamment de la relation de couple « stable et harmonieuse », « fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfants », avait pu admettre le principe d’une délégation partielle d’autorité parentale.
Ces mots sont étonnants, dans un arrêt de la Cour d’habitude si peu encline aux sentiments…
Le commentateur que je suis ne saurait dire si cette solution est étonnante en droit… A première vue, je ne le crois pas, le Code civil n’ayant pas particulièrement prévu de condition relative au sexe pour la délégation partielle d’autorité parentale, ni explicitement, ni implicitement. En revanche, sur un plan pratique, je ne peux que me réjouis que Camille et Lou aient vu la plus haute juridiction de cet Etat reconnaître, même partiellement, l’existence de leurs deux mamans.
Je n'ai pas d'opinion très arrêtée en matière d'homoparentalité. En particulier, je trouverais dommage de prendre une solution générale avant d'avoir sérieusement étudié la question et mesuré l'intérêt de l'enfant.
Toutefois, je suis convaincu d'une chose pour l'avoir vu de mes propres yeux: deux hommes ou deux femmes peuvent rendrent des enfants heureux et les élever dans des conditions tout à fait respectueuse de son intérêt, de son équilibre.
Je suis donc heureux que la justice ait su reconnaître une telle situation lorsqu'elle se présentait.