Pour faire réagir...
Liberté (on voit à peu près), Egalité (c'est presque clair), Fraternité.
On butte sur le dernier mot. On cherche son sens, on s'abreuve de références culturelles, on va même jusqu'à explorer la vision chrétienne de la notion. Et au terme de cette quête, si tant est que l'on se soit construit un début de définition, il demeure qu'en pratique, on ne voit pas à quoi ressemble cette Fraternité républicaine, générale, inconditionnelle...
Heureusement, on a inventé la solidarité, concept très pragmatique, souvent entendu de façon quasi financière. Mieux, on a inventé la Journée de solidarité.
Coluche se gausserait des 364 journées de l'Egoïsme. Je n'ai pas son talent.
Ici ou là vous trouverez quelques articles dont la lecture en diagonale vous apprendra que nous (ben oui, là aussi on travaillait et sans doute ailleurs) étions 40 % à suer sang et eaux pour que nos aînés ne transpirent pas trop cet été.
Beaucoup critiquent l'efficacité de la mesure. Je ne suis pas économiste et je ne m'aventurerais pas sur ce terrain. Il est certain, cela dit, que les 0,03 % de mon salaire que versera mon employeur conduisent à envisager d'acheter un pack de glaçons plutôt qu'un climatiseur. Mais ceci est un autre débat.
Ce qui me frappe, ce n'est pas tant l'insuffisance ou l'inadéquation de journée de solidarité au problème que l'on entendait solutionner, au moins en partie. Non, ce qui me choque, c'est l'extraordinaire manque de transparence du gouvernement.
En un mot (tous éléments de droit tenus à la disposition des lecteurs), voici en quoi consiste cette journée de solidarité.
Le gouvernement (Raffarin), ayant besoin de dégager des moyens financiers, pouvait choisir différentes options. De toutes, il a retenu celle consistant à instaurer une nouvelle cotisation sur les salaires.
Seulement voilà... Le dire ainsi confrontait nos énarques à un cruel dilemme. Fallait-il faire porter cette cotisation sur les employeurs (mais alors, quid de la compétitivité de la France...) ou sur les salariés (mais alors, quid de leur pouvoir d'achat et de la relance de la consommation...).
Il fallait donc choisir qui jouerait le rôle du mécontent. Et le gouvernement a choisi... de ne pas choisir !
Voici comment il s'y est pris. Deux mécanismes distincts ont été instaurés: d'une par l'obligation pour les employeurs de payer cette cotisation, d'autre part le droit pour ces mêmes employeurs de faire travailler leurs salariés une journée de plus par an, sans augmentation de salaire.
Coup de géni, dirons certains. C'est d'ailleurs ainsi que la chose a été présentée: dégager des moyens financiers sans perte de salaire. Pour un peu, on se serait félicité de laisser les salariés travailler plus pour gagner pas plus !
A quoi je réponds: terriblement tordu ! Car en réalité, il s'agit purement et simplement d'autoriser les employeurs à... ne pas rémunérer une journée de travail.
Il eut été mille fois préférable de mettre en place un mécanisme juridique moins tortueux, comme par exemple de mettre la cotisation à la charge des salariés et les autoriser à travailler sept heures de plus dans l'année pour compenser la perte de revenu.
Ca change quoi, me direz vous ?
Et bien pour commencer, la démarche aurait été honnête. Cela aurait éviter de présenter comme une cotisation à la charge des employeurs ce qui se voulait en réalité une cotisation à la charge des salariés. On en est plus là, me direz vous, mais j'y attache encore quelque importance.
Ensuite, le régime juridique eut été moins complexe. Force est en effet de constater qu'un nombre impressionnant de salariés et d'employeurs y ont perdu leur latin et que même les spécialistes ont eu du mal à savoir ce qu'il en était précisément cette année de la journée de solidarité (je tiens à votre disposition une circulaire administrative absolument délicieuse...).
Enfin, on aurait peut-être pu faire en sorte plus aisément que ces sept heures de travail aient lieu à un moment où elles auraient servi à quelque chose. Allez donc demander aux salariés affectés sur des chantiers ou dans certains commerces ce qu'ils ont pensé de cette journée chômée au travail, faute de pouvoir être livrés (interdiction de circuler pour les véhicule de plus de 7,5 tonnes)...
Bref, une fois de plus je m'insurge contre une mesure qui, à la supposer acceptable dans le fond, est bâclée, peu efficace, ne satisfait personne dans ses modalités (à en juger par le nombre d'entreprises qui ont cherché à négocier un accord pour procéder différemment) et relève, sur le plan du droit, de la psychose aigue...
Et pour finir, je vous le confesse, je m'emporte, mais c'est surtout pour avoir le plaisir d'un commentaire d'une de mes lectrices ;-)