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Don Quichotte
4 mars 2006

Le contrat mutant...

Le « contrat nouvelle embauche » a beaucoup fait parler de lui. Le « contrat première embauche » prend plus ou moins le relais et l’on s’attend sous peu à l’arrivée du troisième de cette fratrie de vilains petits canards : le « contrat unique ».

A toutes fins utiles, rappelons le principe commun qui gouverne ces variations sur le thème du contrat de travail : tous trois comportent une période initiale dite « de consolidation » d’une durée de deux ans et pendant laquelle l’employeur peut mettre fin au contrat – donc licencier – sans avoir à justifier du motif pour lequel il prend cette décision.

A titre liminaire, précisons que cette règle comporte un certain nombre d’exceptions. Ainsi, par exemple, le salarié occupant des fonctions de représentant du personnel ou syndical ne pourra être licencié sans que l’autorisation de l’inspecteur du travail ait été préalablement obtenue. Or, pour convaincre ledit inspecteur, il faudra bien motiver la demande… Passons, cependant, sur ces exceptions et revenons en au cas général.

Voici dont notre salarié récemment embauché soumis à un vaste essai de deux ans. Rien ne sert de tergiverser sur la dénomination de cette période initiale : elle a le goût, l’odeur et la couleur d’une période d’essai, elle en suit le régime juridique et, nous allons le voir, les protections mises en place au profit du salarié sont très similaires. C’est donc une période d’essai. La question est : bonne ou mauvaise chose.

Tachons de ne pas verser dans le manichéisme.

Il faut souligner deux éléments au profit de ces contrats précaires.

En premier lieu, force est de constater que le droit du travail tel qu’il existe aujourd’hui, et tel que le pratiquent les juridictions, n’est guère protecteur pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté. Sauf le préavis dont ils bénéficient – et qui, de fait, est plus long que celui prévu par le CNE, LE CPE,… –, eux aussi peuvent voir leur contrat rompu à peu de frais pendant leurs deux premières années. Licencier un salarié dont l’ancienneté est inférieure à deux ans ne pose guère de difficultés. Certes, la loi impose de motiver la décision. Cela étant, ni la loi les conventions collectives ni les conventions collectives n’octroient d’indemnité de licenciement et les Conseils de prud’hommes se montrent fort peu généreux quand bien même le motif invoqué est peu crédible. Le CNE comme le CPE, à cet égard, ne font donc pas réellement œuvre de création et actent plutôt une situation préexistante en achevant de simplifier le régime juridique auquel elle est soumise.

Pour allez au bout de cette logique, il aurait pu être pertinent de prévoir une indemnité spécifique de licenciement au cours des deux premières années. Soyons toutefois honnêtes, le législateur a bien prévu un mécanisme compensatoire. Le droit à indemnisation par l’assurance chômage intervient plus rapidement que dans un contrat standard.

Un second élément doit être porté au crédit des CNE et CPE. Incontestablement, le droit des relations individuelles de travail est aujourd’hui devenu excessivement complexe, au point qu’il est quasiment impraticable pour une entreprise de petite dimension, non pourvue d’un spécialiste. Le licenciement d’un salarié, même réellement fautif, est devenu une sorte d’opération d’ingénierie juridique de haut vol dont la réalisation imparfaite fait parfois encourir des risques financiers non négligeables à l’employeur. Rappelons en effet que même si les dommages-intérêts alloués au salarié sont peu élevés, une procédure prud’homale coûte rapidement diablement cher !

Le législateur a donc, a première vue, donné aux employeurs une garantie de simplicité pour deux ans. On peut concevoir que cela lève certains freins à l’embauche. Vous étiez presque convaincus ?

Dommage. Car tout ceci n’est qu’illusion… S’agissant du premier argument, il n’est que de peu de portée. Si le CNE et le CPE ne changent pas grand chose, à quoi bon mettre le pays à feu et à sang ? Et c’est bien le gros problème de cette réforme : elle n’aura, à mon sens et au mieux, qu’un impact psychologique de courte durée et limité. Car sur le fond du problème, elle ne règle rien.

Ainsi, par exemple, on prétend donner aux entreprises une sécurité juridique en les dispensant de motiver le licenciement et donc en leur donnant l’assurance que leur décision ne sera pas remise en cause. Faux, trois fois faux ! Les juridictions de première instance, les Cours d’appel et, prochainement, la Cour de cassation, se feront une joie d’user de tous les outils à leur disposition – d’ailleurs parfaitement connus puisque déjà mis en œuvre pour lutter contre les effets néfastes de périodes d’essai trop longues -, au premier rang desquels les vices de forme et l’abus de droit. Les premières décisions des Conseils de prud’hommes offrent d’ailleurs une belle illustration de ce qui était parfaitement prévisible…

Il s’ensuit que les conseils juridiques rechignent à pousser les employeurs dans la voie du CNE ou du CPE, considérant qu’en réalité, ces contrats soulèvent énormément d’interrogations quant au régime de leur rupture et sont source d’une insécurité certaine. Le CDI n’était certes pas parfait, mais au moins, on savait comment il fonctionnait…

Enfin, et surtout, le CNE et le CPE reposent sur l’idée que les entreprises ne recrutent pas par peur de ne pas avoir les moyens de licencier les salariés en cas de difficultés économiques ou s’ils s’avèrent finalement ne pas convenir. Foutaises. Si l’entreprise va mal, elle peut licencier et même lorsqu’elle ne fait que prévoir des difficultés économiques plus ou moins lointaines (cf. l’affaire Pages jaunes, Cour de cassation, chambre sociale, 11 janvier 2006, consultable ici en indiquant le numéro de pourvoi suivant : 05-40977).

De même, la période d’essai – qui peut aller jusqu’à 6 mois pour certains postes – permet de se faire une idée précise des compétences du salarié. Bien entendu, on aurait pu, on devrait même sans doute, simplifier le régime de la rupture du contrat de travail. Seulement simplifier ne veut pas dire créer un nouveau contrat ni supprimer toute procédure.Cela ne veut pas dire non plus dispenser l’employeur d’invoquer un motif, ce qui peut s’avérer important psychologiquement pour le salarié et peut même protéger l’employeur puisque invoquer un motif valable vaut mieux que de se retrancher derrière un silence aux yeux d’un conseil de Prud’hommes.

Surtout, surtout, si l’on ouvre un peu les yeux, l’on ne tarde pas à s’apercevoir que le fond du problème tient davantage au coût du travail qu’à autre chose. Non que les salariés soient trop cher payés, mais simplement que les payer coûte trop cher. Exemple en chiffre : pour qu’un salarié perçoive, après impôts et charges sociales, 3000,00 € nets par mois (un cadre en milieu de carrière par exemple), l’employeur devra débourser chaque mois au bas mot et approximativement 7500,00 €…

ASeulement ce problème là, il est autrement moins simple à résoudre !

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Commentaires
D
... En effet, c'est à peu près ce qu'il nous reste à faire...
F
Conclusion (ma): la politique remplit trop la vie alors que la politique déçoit avec ces promesses jamais tenues,avec ses partis qui "achètent" des ahérants en faisant les soldes et des blogs. Il ne faut pas être dupe. Par contre, le PS l'a bien senti, il ne fait plus de promesses, c'est bien, par contre, il les remplaçe par le vide ! c'est pas mieux - au bout de 4 ans, il pourrait avoir un projet ! NON leur blog c'est pouvoir participer au projet de l'élaboration du programme - tout un programme ! et l'échéance est dans 13 mois ! chiffre porte-bonheur, alors, attendons,<br /> un peu d'espoir ne nuit pas, surtout en ce moment
D
Je pense, tout comme toi, que pour s'engager au sein ou aux côtés d'un parti politique, il faut adhérer aux théories qu'il développe.<br /> <br /> C'est précisément parce que je n'éprouve pas cette adhésion pour un parti que j'en viens à souhaiter la création d'un nouveau...<br /> <br /> Quant à une "autre force", pourquoi pas... Mais elle ne remplira jamais tout à fait le rôle d'un parti politique, et je trouverais regrettable que celui là reste vacant.
F
S'engager c'est être d'accord sur tout l'ensemble des écrits, des paroles des idées de ces groupes qu'ils soient syndicalistes ou politiques, NON ?<br /> ou alors, tu t'engages déjà avec des "boff" des "non" des "peut être" sans savoir où tu vas, mais tu es adhérent ou synpathisant - tu dois coller à ce qu'ils proposent - et si ce n'est pas, que fais-tu ?<br /> NON il faut une autre force - je reste sur mes positions -
D
... ce que l'on aurait du faire depuis longtemps, sans doute: on crée un mouvement citoyen pour une "gouvernance" pragmatique de la France...<br /> <br /> Blague à part, je crois qu'à un moment ou à un autre, s'engager politiquement est la seule façon d'arriver à avancer.<br /> <br /> Mais pitié: laissez moi encore quelques mois ;-)
Don Quichotte
  • Cet espace, semi-anonyme, est un lieu d'échange sans thématique précise, sans autre fil conducteur que les envies de son auteur. Les suggestions sont les bienvenues sur la forme comme sur le fond. Il est ouvert à tous, sous réserve du respect des règ
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