Le contrat mutant...
Le « contrat nouvelle
embauche » a beaucoup fait parler de lui. Le « contrat première
embauche » prend plus ou moins le relais et l’on s’attend sous peu à l’arrivée
du troisième de cette fratrie de vilains petits canards : le « contrat
unique ».
A toutes fins utiles, rappelons le
principe commun qui gouverne ces variations sur le thème du contrat de travail :
tous trois comportent une période initiale dite « de consolidation »
d’une durée de deux ans et pendant laquelle l’employeur peut mettre fin au
contrat – donc licencier – sans avoir à justifier du motif pour lequel il prend
cette décision.
A titre liminaire, précisons que
cette règle comporte un certain nombre d’exceptions. Ainsi, par exemple, le
salarié occupant des fonctions de représentant du personnel ou syndical ne
pourra être licencié sans que l’autorisation de l’inspecteur du travail ait été
préalablement obtenue. Or, pour convaincre ledit inspecteur, il faudra bien
motiver la demande… Passons, cependant, sur ces exceptions et revenons en au
cas général.
Voici dont notre salarié récemment
embauché soumis à un vaste essai de deux ans. Rien ne sert de tergiverser sur
la dénomination de cette période initiale : elle a le goût, l’odeur et la
couleur d’une période d’essai, elle en suit le régime juridique et, nous allons
le voir, les protections mises en place au profit du salarié sont très
similaires. C’est donc une période d’essai. La question est : bonne ou
mauvaise chose.
Tachons de ne pas verser dans le manichéisme.
Il faut souligner deux éléments au
profit de ces contrats précaires.
En premier lieu, force est de constater que
le droit du travail tel qu’il existe aujourd’hui, et tel que le pratiquent les
juridictions, n’est guère protecteur pour les salariés ayant moins de deux ans
d’ancienneté. Sauf le préavis dont ils bénéficient – et qui, de fait, est plus
long que celui prévu par le CNE, LE CPE,… –, eux aussi peuvent voir leur
contrat rompu à peu de frais pendant leurs deux premières années. Licencier un
salarié dont l’ancienneté est inférieure à deux ans ne pose guère de
difficultés. Certes, la loi impose de motiver la décision. Cela étant, ni la
loi les conventions collectives ni les conventions collectives n’octroient d’indemnité
de licenciement et les Conseils de prud’hommes se montrent fort peu généreux
quand bien même le motif invoqué est peu crédible. Le CNE comme le CPE, à cet égard,
ne font donc pas réellement œuvre de création et actent plutôt une situation
préexistante en achevant de simplifier le régime juridique auquel elle est soumise.
Pour allez au bout de cette logique, il aurait pu être pertinent de prévoir une
indemnité spécifique de licenciement au cours des deux premières années. Soyons
toutefois honnêtes, le législateur a bien prévu un mécanisme compensatoire. Le
droit à indemnisation par l’assurance chômage intervient plus rapidement que
dans un contrat standard.
Un second élément doit être porté
au crédit des CNE et CPE. Incontestablement, le droit des relations
individuelles de travail est aujourd’hui devenu excessivement complexe, au
point qu’il est quasiment impraticable pour une entreprise de petite dimension,
non pourvue d’un spécialiste. Le licenciement d’un salarié, même réellement fautif,
est devenu une sorte d’opération d’ingénierie juridique de haut vol dont la
réalisation imparfaite fait parfois encourir des risques financiers non
négligeables à l’employeur. Rappelons en effet que même si les dommages-intérêts
alloués au salarié sont peu élevés, une procédure prud’homale coûte rapidement
diablement cher !
Le législateur a donc, a première vue, donné aux
employeurs une garantie de simplicité pour deux ans. On peut concevoir que cela
lève certains freins à l’embauche. Vous étiez presque convaincus ?
Dommage. Car tout ceci n’est qu’illusion… S’agissant du premier argument, il
n’est que de peu de portée. Si le CNE et le CPE ne changent pas grand chose, à
quoi bon mettre le pays à feu et à sang ? Et c’est bien le gros problème
de cette réforme : elle n’aura, à mon sens et au mieux, qu’un impact
psychologique de courte durée et limité. Car sur le fond du problème, elle
ne règle rien.
Ainsi, par exemple, on prétend donner aux entreprises une
sécurité juridique en les dispensant de motiver le licenciement et donc en leur
donnant l’assurance que leur décision ne sera pas remise en cause. Faux, trois
fois faux ! Les juridictions de première instance, les Cours d’appel et,
prochainement, la Cour de cassation, se feront une joie d’user de tous les
outils à leur disposition – d’ailleurs parfaitement connus puisque déjà mis en œuvre
pour lutter contre les effets néfastes de périodes d’essai trop longues -, au
premier rang desquels les vices de forme et l’abus de droit. Les premières décisions des
Conseils de prud’hommes offrent d’ailleurs une belle illustration de ce qui
était parfaitement prévisible…
Il s’ensuit que les conseils
juridiques rechignent à pousser les employeurs dans la voie du CNE ou du CPE,
considérant qu’en réalité, ces contrats soulèvent énormément d’interrogations quant
au régime de leur rupture et sont source d’une insécurité certaine. Le CDI n’était
certes pas parfait, mais au moins, on savait comment il fonctionnait…
Enfin, et surtout, le CNE et le
CPE reposent sur l’idée que les entreprises ne recrutent pas par peur de ne pas
avoir les moyens de licencier les salariés en cas de difficultés économiques ou
s’ils s’avèrent finalement ne pas convenir. Foutaises. Si l’entreprise va mal,
elle peut licencier et même lorsqu’elle ne fait que prévoir des difficultés économiques
plus ou moins lointaines (cf. l’affaire Pages jaunes, Cour de cassation,
chambre sociale, 11 janvier 2006, consultable ici en
indiquant le numéro de pourvoi suivant : 05-40977).
De même, la période d’essai
– qui peut aller jusqu’à 6 mois pour certains postes – permet de se faire une
idée précise des compétences du salarié. Bien entendu, on aurait pu, on
devrait même sans doute, simplifier le régime de la rupture du contrat de
travail. Seulement simplifier ne veut pas dire créer un nouveau contrat ni
supprimer toute procédure.Cela ne veut pas dire non plus dispenser l’employeur
d’invoquer un motif, ce qui peut s’avérer important psychologiquement pour le
salarié et peut même protéger l’employeur puisque invoquer un motif valable
vaut mieux que de se retrancher derrière un silence aux yeux d’un conseil de
Prud’hommes.
Surtout, surtout, si l’on ouvre un
peu les yeux, l’on ne tarde pas à s’apercevoir que le fond du problème tient davantage
au coût du travail qu’à autre chose. Non que les salariés soient trop cher
payés, mais simplement que les payer coûte trop cher. Exemple en chiffre :
pour qu’un salarié perçoive, après impôts et charges sociales, 3000,00 € nets
par mois (un cadre en milieu de carrière par exemple), l’employeur devra
débourser chaque mois au bas mot et approximativement 7500,00 €…
ASeulement ce problème là, il est
autrement moins simple à résoudre !